SYSYPHORA OU LA PORTEUSE D’OFFENSES

Cueillir la grâce, les mains tendues
vers les fruits que l’on découpe,
durian, mangue, pitaya,
avec la précision d’un art martial.
Détruire ce qui détruit.
L’hiver comme unique saison des tournesols.
Par une mer furieuse
sauver des enfants de la noyade.
Une prière d’aimer recouverte
par les bruits de l’attente.
Le désespoir qui s’envole comme un oiseau
brisant sa cage d’osier.
Au milieu de l’hiver, découvrir
un invincible été qui réchauffe et qui brûle.
Dérèglement raisonné du désespoir.
L’amour de l’existence qui vous raye
comme une paille de fer.

Puis les mots se taisent et l’on regarde
Les icônes gravées de Bich, mordues et lissées
entre griffes et caresses.
La beauté du trait, le chatoiement des couleurs
Qui pénètrent les sept tissus du corps
Sur des papiers profonds comme des lacs
Sombres et transparents.

Jacky Chriqui, 2020.

“Je vois évoluer le travail de Bich Nguyen depuis 15 ans. Il arrive aujourd’hui à maturité. Sa maîtrise parfaite des différents procédés de la gravure en taille-douce n’est pas au service d’un savoir-faire stérile comme trop souvent chez les graveurs mais lui permet d’exprimer avec finesse et virtuosité les complexités de l’esprit humain. Elle nous fait partager ses expériences intimes pour mieux explorer notre relation au monde et aux autres : le couple, la naissance d’un enfant, la grâce, la pesanteur, ces sujets si souvent représentés retrouvent un second souffle sous l’élégance de son trait, dans la profondeur de ses noirs ou dans le foisonnement de ses couleurs. Chez les artistes plasticiens, la gravure n’est souvent qu’un moyen de reproduction d’une image. Avec Bich Nguyen, il s’agit d’un puissant mode d’expression qui ne trouve nulle part son équivalent.”

Olivier Morel, 2015